8 juillet 2013
On entend souvent parler d’ « immobilisations admissibles » dans le jargon fiscal. Cette notion, qui peut passer inaperçue aux oreilles d’un néophyte, a une signification qui lui est propre. Il ne s’agit pas simplement d’une « immobilisation » qui serait admissible à quelconque avantage…
Il s’agit en fait d’une locution réservée désignant certains types de biens dont le traitement fiscal est différent des simples « immobilisations », qui elles, génèrent un gain ou une perte en capital lors de leur disposition.
Ces biens sont des biens incorporels tels une liste de clients, un achalandage, un contingent (quota) ou encore un brevet. Bien que la fiscalité relative à ces biens soit différente de celle applicable aux immobilisations, le résultat final généré par une transaction est en essence identique, particulièrement au niveau du taux d’imposition.
En effet, comme vous le savez, le gain en capital généré lors de la disposition d’une immobilisation est imposé à 50 %. S’il s’agit d’une immobilisation amortissable, tel un immeuble, sa disposition peut entraîner à la fois une récupération d’amortissement imposable à 100 % ainsi qu’un gain en capital. Le même principe et les mêmes taux s’appliquent lors de la disposition d’une immobilisation admissible, la principale différence étant que ces deux types de gains sont généralement considérés comme un revenu d’entreprise.
L’ « amortissement » des immobilisations admissibles est une déduction que l’on demande sur le montant cumulatif des immobilisations admissibles (MCIA). Le MCIA est l’équivalent de la fraction non amortie du coût en capital (FNACC) des biens amortissables. Le taux maximal de déduction accordée est de 7 % du MCIA. À la différence de la déduction pour amortissement (DPA), il n’y a pas de règle de demi-année et, si l’année financière est de moins de 12 mois, on doit appliquer un prorata du nombre de jours par rapport à 365.
Le problème avec les immobilisations admissibles, c’est la relative complexité de calculs, pour en arriver finalement à un résultat plutôt simple. Par exemple, le solde du MCIA est constitué du coût d’acquisition des biens multiplié par ¾. Comme la déduction maximale est de 7 % par année de ce solde, cela signifie que si on basait la déduction sur un solde non modifié, on n’aurait qu’à déduire 5,25 % (les ¾ de 7 %).
Comme dans le cas des immobilisations amortissables, il y a deux types de calculs à faire avec le MCIA : annuellement et lors de la disposition d’une immobilisation admissible.
Annuellement, on peut simplement déduire le pourcentage autorisé sur le solde MCIA. Cette opération se fait année après année sur le solde dégressif (s’il n’y a qu’un seul bien).
Au moment de la disposition, on doit soustraire les ¾ du produit de disposition sur le solde MCIA. Il est donc possible de se retrouver avec un solde MCIA négatif. En ramenant ce solde à zéro, on génère un revenu d’entreprise possiblement à deux taux d’imposition, correspondant à ceux de la récupération d’amortissement et du gain en capital.
Prenons l’exemple d’une liste de clients ayant été achetée le 1er décembre 2011 au coût de 50 000 $. Si on suppose que l’entreprise a débuté dans une année antérieure, la déduction serait calculée comme suit :
Première année :
Dépense admissible : 50 000 × ¾ = 37 500 $
Déduction : 37 500 × 7 % = 2 625 $
MCIA : 34 875 $
Deuxième année :
Déduction : 34 875 $ × 7 % = 2 441,25 $
MCIA : 32 433,75 $
Si la vente de cette liste, au prix de 75 000 $, se produit à la troisième année, aucune déduction ne sera demandée pendant cette année mais un calcul devra être effectué afin de savoir quel en sera le montant imposable.
Produit de disposition admissible : 75 000 $ × 75 % = 56 250 $
Comme le produit de disposition est supérieur à 4/3 du MCIA, on se retrouve avec un MCIA négatif qui devra être ramené à 0 en déclenchant un revenu imposable. Les calculs sont les suivants :
MCIA de l’année précédente : 32 433,75 $
Produit de disposition admissible : (56 250,00 $)
MCIA avant ajustement : (23 816,25 $)
Ce montant de 23 816,25 $ sera imposable à titre de revenu d’entreprise. Cependant, une partie sera imposable à 100 % alors que le reste le sera à un taux moindre. La partie imposable à 100 % correspondra simplement à la déduction qui a été demandée dans le passé. Dans notre exemple, cette déduction est de 5 066,25 $, soit 2 625 $ au cours de la première année et 2 441,25 $ au cours de la deuxième.
Le reste du montant, soit 18 750 $ (23 816,25 – 5 066, 25), doit être multiplié par 2/3 et le résultat sera le revenu imposable. Pourquoi cette multiplication ? Simplement pour ramener à ½ un montant qui avait déjà été multiplié par ¾ afin de générer un gain imposable égal à un gain en capital. C’est donc un revenu imposable de 12 500 $ qui sera imposable, soit l’équivalent d’un gain en capital de 25 000 $.
Que de détours n’est-ce pas…? Et je ne parle pas de situations où il y a plus d’un bien dans la catégorie…
Finalement, mentionnons qu’un choix peut être fait en vertu du paragraphe 14(1.01) LIR afin de transformer la portion équivalente au gain en capital lors de la disposition d’une immobilisation admissible en gain en capital réel dans le but, notamment, de profiter de la déduction possible de 375 000 $. À noter qu’en vertu du paragraphe 14(1.03)LIR, l’achalandage n’ouvre cependant pas droit à ce choix.