4 juillet 2012
Il m’arrive de rencontrer des clients qui détiennent ou envisagent détenir des immeubles locatifs. Plusieurs se demandent quelle est la meilleure façon d’exploiter ce type d’entreprise, individuellement ou par le biais d’une société par actions.
Comme dans bien des cas, la réponse à cette question n’est pas absolue. En effet, plusieurs questions doivent être répondues avant de conclure. L’incorporation, de quelque type d’entreprise que ce soit, comporte certains avantages et certains inconvénients. Parmi les principaux avantages, on compte le report de l’imposition et la protection contre les créanciers. Le principal inconvénient est, quant à lui, les coûts associés à l’implantation et au maintien d’une telle structure.
Généralement, le report d’imposition est efficace si l’actionnaire n’a pas besoin de tous les revenus générés par sa société. Les revenus de location, même s’ils constituent un revenu d’entreprise – parce que l’entreprise principale est la location d’immeubles – font cependant exception à cette règle car le report n’aura lieu que sur les revenus de placement générés par l’investissement de ces revenus de location.
En effet, l’imposition au « petit taux » de 19 % sur les revenus d’entreprise s’applique aux revenus ne provenant pas d’une « entreprise de placement déterminée » en vertu du paragraphe 125(7) de la Loi de l’impôt sur le revenu (L.I.R.), à moins que cette entreprise compte plus de cinq employés à temps plein tout au long de l’année. Ce type d’entreprise a comme but principal de générer des revenus de biens. C’est donc dire que si votre client n’embauche pas plus de cinq employés à temps plein, ses revenus de location seront traités comme des revenus de biens à un taux de 46,57 % avec un IMRTD (impôt en main remboursable au titre de dividendes) de 26,67 %. Il n’y a donc pas de report d’impôt dans cette situation à moins que votre client ne soit taxé au taux marginal maximal.
Il existe cependant un avantage important dont on entend moins parler : la possibilité pour l’actionnaire de récupérer la valeur comptable de son immeuble sans impôt. Il s’agit d’une autre forme de report d’impôt. Quelques conditions doivent cependant être remplies pour que cela soit possible.
Pour un nouvel immeuble, la mécanique est la suivante : une société est créée et des actions sont émises à un PBR nominal. L’actionnaire avance les fonds nécessaires à sa société pour la mise de fonds de l’immeuble en contrepartie d’un billet. La société contracte un prêt, achète et exploite l’immeuble et rembourse à l’actionnaire, sans impact fiscal, le billet lorsque ses liquidités sont suffisantes. Si l’immeuble avait été détenu personnellement, la mise de fonds n’aurait pu être ainsi récupérée par l’actionnaire. Si l’actionnaire avait investi son argent sous forme de capital-actions de sa société au lieu d’un billet, il aurait pu récupérer sa mise de fonds en diminuant ultérieurement le capital versé des actions en vertu de 84(4) L.I.R. Il aurait pu aussi ne rien faire et réduire son gain en capital - ou son dividende imposable - au moment de la vente ou du rachat de ses actions.
Pour un immeuble existant, un roulement peut être effectué en vertu de l’article 85 L.I.R. Au moment du roulement, la société doit émettre au moins une action à l’auteur du transfert. Cette action peut être une action ordinaire ou privilégiée. Mais là n’est pas l’intérêt. Une « somme convenue » doit être établie entre la société et l’actionnaire pour la valeur du bien transféré et le gain en capital de même que la récupération de l’amortissement, le cas échéant, sont calculés à partir de cette somme. Or, il est possible de convenir que cette somme soit, dans le cas d’un immeuble, égal à sa FNACC (fraction non amortie du coût en capital), ou à sa JVM si elle est inférieure à la FNACC. Il n’y a donc pas d’impact fiscal négatif dans ce cas. La société acquiert l’immeuble à un PBR égal à cette somme convenue.
L’actionnaire, quant à lui, peut récupérer la valeur de cette FNACC sous forme de billet. Ce montant réduit cependant d’autant le capital versé et le PBR des actions émises (on reporte l’impôt au moment de la disposition des actions) mais il peut sortir sur-le-champ des sommes de sa société libres d’impôt. À noter que s’il reste une dette sur l’immeuble au moment du transfert, le solde de cette dette doit être soustrait du montant du billet car ce solde est déjà considéré comme une sortie de fonds libre d’impôt. L’actionnaire ne pourra donc profiter de cette mécanique si le solde hypothécaire de l’immeuble est supérieur à sa FNACC.
En ce qui a trait aux droits de mutation, ils sont exclus de ce type de transaction en vertu de l’alinéa 19b) de la Loi concernant les droits sur les mutations immobilières.
Même si cette technique permet souvent aux propriétaires d’immeubles de passer quelques années sans payer d’impôt dans le futur, ce n’est pas une formule magique. Il y a double imposition lorsque les actions et les immeubles sont vendus dans un court laps de temps. Il faut donc consulter des spécialistes avant de procéder…