31 octobre 2016
Certains éléments relatifs à l’assurance-vie ont passablement changé au cours des derniers mois. Revoyons ensemble quelques règles techniques afin de ramener les pendules à l’heure.
Regardons le plus près le transfert d’une assurance-vie entre personnes ayant un lien de dépendance. Rappelons qu’un lien de dépendance entre deux personnes est une notion plus large que celle des personnes liées, c’est-à-dire, un individu et sa parenté proche ou, dans le cas d’une société par actions, une société et un individu (ou des personnes liées à ce dernier) qui la contrôle. La notion de lien de dépendance inclut ainsi les personnes agissant de concert afin d’en tirer un avantage fiscal.
Donc, la situation la plus fréquente est celle où un actionnaire transfère une police qu’il détient à sa société. Plusieurs se demandent si ce genre de transfert est encore avantageux. Certainement… dans plusieurs cas. Auparavant, deux avantages résultaient d’un tel transfert : la possibilité de sortir beaucoup d’argent de la société en payant peu ou pas d’impôt et la possibilité de faire payer des primes après un seul impôt, celui de la société, généralement moins élevé que celui de l’actionnaire. Maintenant, il ne subsiste que le deuxième avantage… mais il est toujours là.
Une autre situation courante est celle où une société par actions transfère une police à sa société-mère. Dans les deux cas, la situation est traitée de la même façon, comme nous le verrons ci-dessous.
Pour le cédant (la personne cède la police)
Le revenu imposable généré lors du transfert est égal au produit de disposition (PD) moins le coût de base rajusté de la police (CBR). Le CBR est une donnée connue. Il peut être obtenu de l’assureur pour la journée où la transaction est faite.
La définition de produit de disposition, quant à elle, a été modifiée lors du dernier budget fédéral. Même qu’on l’a raffinée en juillet dernier. Le PD est maintenant défini comme étant le maximum de trois montants :
1. La valeur de rachat de la police
2. La contrepartie reçue par le cédant, autrement dit, le prix de transfert convenu
3. Le CBR de la police
Pour un actionnaire physique, comme il n’aura plus de possibilité de sortir des sommes colossales de sa société sans payer d’impôt, la JVM de la police, calculée par un actuaire, n’a plus vraiment d’importance. Les transferts devraient donc se faire à un montant convenu égal au maximum entre le CBR et la valeur de rachat.
Mais attention! Pour une société qui dispose de sa police en faveur d’une filiale (et non d’une société-mère), la JVM est encore importante. Pour que ce transfert puisse s’effectuer, la société cédante doit avoir suffisamment de revenu protégé, c’est-à-dire de « BNR fiscaux », ayant été générés depuis l’émission des actions sur lesquelles un dividende en nature sera versé. Avec le nouveau paragraphe 55(2) LIR, qui fera l’objet d’une prochaine chronique, soulignons que de simples actions à dividendes discrétionnaires, non participantes, pourraient être problématiques dans ce cas.
Pour le cessionnaire (celui qui reçoit la police)
Pour le cessionnaire, les règles n’ont pas changé, c’est-à-dire que le CBR de la police, au moment de l’acquisition, est égal au PD du cédant. Comme le CBR n’entre pas dans le calcul du compte de dividendes en capital (CDC), il est important d’en suivre la trace. Par la suite, le CBR est augmenté des primes payées au fil des ans et diminué du coût net d’assurance pure (CNAP). C’est d’ailleurs à ce niveau que les règles fiscales ont été modifiées pour 2017.
Prenons un exemple, pour bien comprendre.
Supposons qu’un actionnaire détient une police et qu’il veut la transférer à sa société. Les données de la police sont les suivantes :
CBR : 40 000 $
Valeur de rachat : 18 000 $
Afin de n’avoir aucun impact fiscal immédiat, le transfert pourrait s’effecteur à un prix convenu de 40 000 $. De cette façon, la société ferait un chèque de 40 000 $ à l’actionnaire et le CBR de la police, pour la société, resterait à 40 000 $. L’actionnaire se verrait imposer sur un montant nul car le PD, égal au maximum entre 40 000 $ (CBR), 18 000 $ (valeur de rachat) et 40 000 $ (prix convenu), et serait égal au CBR de 40 000 $.
Y aurait-il lieu d’envisager un transfert à une valeur inférieure au CBR afin de diminuer le CBR de la société ? Si tel était le cas, un montant supplémentaire pourrait être sorti libre d’impôt au décès à cause d’un CDC plus élevé. Mais pourquoi diable attendre au décès pour sortir l’argent et ne pas en profiter tout de suite ? Chaque dollar de CDC gagné au décès est un dollar de moins, libre d’impôt, aujourd’hui…
À l’opposé, si l’on désirait effectuer un transfert à un prix supérieur au CBR, augmentant ainsi le CDC au décès, cela générerait un revenu imposable régulier – pas un dividende – de la différence entre les deux. Encore là, pourquoi payer aujourd’hui de l’impôt qui pourrait être payé au décès, sous forme de dividende en plus…
Si c’était une société qui disposait de la police au bénéfice de son actionnaire (société-mère ou personne physique), il faudrait absolument faire évaluer la police par un actuaire. Si ce dernier déterminait que la police a une JVM de 75 000 $, c’est un dividende de ce montant qui devrait être déclaré par l’actionnaire, dans la mesure où la société a généré au moins 75 000 $ de revenu protégé depuis l’émission des actions qui verseront ce dividende en nature. Pour une société cessionnaire, le dividende pourra être déductible mais pour une personne physique, il devra s’imposer sur ces 75 000 $, soit à titre d’avantage imposable en vertu de 15(1) LIR (à cause d’un manque de revenu protégé) ou à titre de dividende.
Mais il y a autre chose…
La contrepartie reçue par la société cédante est nul, dans notre exemple. Le revenu imposable pour la société serait donc nul car le PD serait réputé être de 40 000 $. L’actionnaire pourrait-il verser une contrepartie à sa société ? Pourquoi pas ? S’il aime payer de l’impôt en double… ! Une contrepartie de 40 000 $ versée à sa société ne déclencherait pas de revenu imposable pour cette dernière. De cette façon, son avantage imposable serait réduit à 35 000 $. Mais imaginez l’inefficacité fiscale de cette transaction…
Finalement, autre élément intéressant : lors de l’évaluation des actifs d’une société par actions aux fins de l’exonération du gain en capital, c’est la valeur de rachat d’une police d’assurance-vie qui compte, et non sa JVM et ce, même si plus d’une personne est assurée aux termes du contrat. Cependant, lors de la liquidation complète d’une société, l’ARC a récemment réitéré sa position à l’effet que, pour elle, c’est la JVM qui serait prise en compte dans le calcul de son revenu de liquidation… en laissant, comme souvent, une porte ouverte... car « c’est une question de faits ».