6 avril 2012
Lors de l’instauration du CELI en 2009, bien des personnes ne savaient trop comment utiliser ce véhicule. Rapidement, quelques conseillers ont mis de l’avant des suggestions intéressantes qui ont été adoptées par l’ensemble de la communauté des services financiers. Bien que la plupart de ces conseils tiennent la route, il y en a un qui mérite qu’on s’y attarde encore aujourd’hui… et demain.
Je parle de l’ « optimisation » REER-CELI, c’est-à-dire quel véhicule choisir entre les deux – ou dans quelle proportion – afin de tirer le maximum de sa situation.
La première version de ce conseil était la suivante :
Si le taux d’imposition à la retraite est inférieur au taux d’imposition au moment de la cotisation, il faut privilégier le REER, sinon le CELI. Dans le cas où les taux sont égaux, les deux véhicules sont équivalents.
Par la suite, les conseillers sensibilisés aux taux d’imposition implicites (tenant compte des crédits et transferts) ont nuancé ce conseil en insistant sur le fait qu’il ne fallait pas utiliser les simples taux marginaux mais bien ces fameux taux implicites dans les calculs si l’on voulait davantage refléter la réalité. C’est la version actuellement acceptée par l’industrie.
Bien que le fondement de ce conseil ne soit pas faux en soi, cette affirmation est incomplète et comporte un piège important : la généralisation. Celle-ci nous entraîne dans une sur-simplification du problème et peut nous conduire à des résultats erronés.
La raison en est bien simple : ce conseil n’est vrai que dans le cas suivant :
Or, la réalité est bien plus complexe que cela. Un individu cotise pendant plusieurs décennies et retire des sommes pendant aussi longtemps. Par surcroît, chacune de ces années peut comporter jusqu’à une quinzaine de paliers d’imposition… et pas tous progressifs!
Ces problèmes peuvent tous être éliminés INDIVIDUELLEMENT avec un peu de courage… et en fixant les autres paramètres. Par exemple, en effectuant un choix annuel, tant au moment de la cotisation que du retrait, et en prenant un soin méticuleux à tenir compte de tous les paliers d’imposition, on peut faire une cotisation REER juste suffisante pour atteindre un certain seuil (fixé). Le reste serait cotisé dans un CELI.
Cette méticulosité n’élimine cependant pas le problème fondamental que, à moins d’une situation très claire et rarissime, par exemple avec un taux d’imposition unique à la retraite, on ne sait pas à quel moment une cotisation sera retirée. On ne peut donc résoudre SIMULTANÉMENT tous ces problèmes sans faire appel à un algorithme de calcul complexe que personne n’a encore développé.
Prenons l’exemple de Pierre qui débute ses cotisations en tant que célibataire. Par la suite il se marie et il a des enfants. Pendant ce temps, ses revenus augmentent de façon considérable. À la retraite, qu’il prend à 58 ans, il possède un bon montant de sommes non enregistrées.
Imaginez maintenant qu’il doive répartir son épargne pour la retraite entre son REER et son CELI au moment où il est célibataire et il n’a que cinq paliers d’imposition compte tenu de son revenu.
Il devrait considérer que ses premiers dollars d’épargne sont possiblement à un taux marginal moins élevé que les derniers. Il devrait aussi considérer que le retrait de cette cotisation serait effectué en totalité ou en partie à n’importe quelle année pendant sa retraite et à n’importe lequel des taux marginaux au cours de cette année, lesquels taux seraient inférieurs pour certains et supérieurs pour d’autres à ceux de sa cotisation. Compte tenu du fait qu’il cotisera également au cours des années ultérieures à des taux différents et avec les mêmes défis, quelle proportion devrait-il investir en REER et en CELI?
Si vous pensez que quiconque a la réponse à cette question actuellement, vous faites fausse route malgré tous les tableaux d’analyse que vous pouvez consulter. On ne peut représenter les résultats sous forme de tableau car les proportions idéales varient à chaque année pour chaque situation.
Les outils de calculs actuels sur le marché ne sont même pas en mesure d’optimiser un simple décaissement non enregistré/REER pour un seul individu! Imaginez maintenant qu’on y ajoute la période d’accumulation, qu’on y ajoute un conjoint avec les possibilités de cotisations REER et CELI au conjoint et qu’on tienne compte du fractionnement des revenus de retraite. J’espère que vous commencez à entrevoir toute la complexité de la situation et que vous aurez un œil critique la prochaine fois que vous regarderez de beaux tableaux REER-CELI.
À moins d’une situation très claire (personnes à faible revenu ou à revenu très élevé), l’optimisation REER-CELI n’est pas possible… pour l’instant. En attendant, vous devrez donc vous servir de votre jugement et apprécier la situation dans son ensemble afin d’investir des proportions REER-CELI qui tiennent la route. Bonne réflexion!